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Souvenirs de Jacqueline Boitel à Noisy-le-Sec de 1937 à 1952

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La petite enfance à Noisy-le-Sec (septembre 1937-juin 1939)

Jacqueline Boitel est née en 1930 à Fromezey, petit village meusien, chez sa famille maternelle. Son père, Pierre Boitel, est cheminot et sa mère, Madeleine Boitel est ménagère. Ils habitent alors à Bobigny où ils louent un appartement dans un petit pavillon. Très rapidement, Pierre Boitel voudra se rapprocher de la gare de Noisy-le-Sec qu’il emprunte chaque jour pour rejoindre la gare de l’Est à Paris. Durant l’automne 1937, Jacqueline Boitel, enfant unique âgée de 7 ans, est donc venue habiter au 17 avenue Gallieni à Noisy-le-Sec. Désormais, la famille habite un appartement jugé confortable, situé au 1er étage d’un immeuble de deux étages. En l’absence de salle de bains, des toilettes communes situées au rez-de-chaussée sont à la disposition des résidents.

La famille Boitel vit à quelques centaines de mètres de la zone stratégique de la SNCF (rotondes, grande ceinture ferroviaire, voies ferrées, ateliers, dépôts de locomotives, gare, etc.). Elle habitera ce quartier jusqu’au moment où la perspective d’un bombardement deviendra inévitable, c’est-à-dire quelques jours avant le 18 avril 1944.

Jacqueline fréquentera l’école de filles Charcot-Baudin toute proche, jusqu’en juin 1939. Il s’agit du nouveau groupe scolaire Charcot-Baudin construit en 1932-1933. Selon ma mère « l’’école Baudin était alors toute neuve et très moderne. Elle accueillait les garçons dans l’école Baudin et les filles dans l’école Charcot. Elle disposait de douches en sous-sol que mes parents et moi fréquentions tous les samedis après-midi ».

A cette époque, la directrice de l’école Charcot se nommait Madame Guennec. Jacqueline était devenue l’amie de sa fille, Claude Guennec. A ce titre, elle était souvent invitée le jeudi après-midi chez son amie. Celle-ci habitait un bel appartement situé au 1er étage de l’école.

Dans le quartier, Jacqueline avait de nombreux amis (Raymond Dolmaire, Jacqueline Granger, Robert Jobard). Les enfants du quartier se retrouvaient souvent dans la rue le soir après diner. C’était l’occasion de jouer au ballon avenue Galliéni ou de discuter sur le banc à proximité de la maison.

En 1938, l’école Charcot-Baudin avait organisé une fête bretonne grâce à la participation des élèves et de leurs parents. « Chacun devait participer en se déguisant. Ma mère m’avait trouvé un petit costume breton et un chapeau rond. Mon amie Jaqueline Granger portait l’habit de Bigouden et Raymond un costume de marin. Je me suis longtemps souvenue des danses et des chants qui avaient contribué à la réussite de cette belle fête ».

Fête bretonne organisée par l’école Baudin en 1938, à la mairie de Noisy-Le-Sec. De droite à gauche : 3e rang, 2e enfant Jacqueline Granger, 3e enfant : Jacqueline Boitel, 6e enfant : Paulette Pasquier, 8e enfant : Raymond Dolmaire. Au premier rang, 2e enfant : Gisèle Deray, 8e enfant : Elisabeth Tourteau[1].

[1] Les parents d’Elisabeth Tourteau tenaient la boucherie située à l’angle de l’avenue Galliéni et de la rue Papin.

Fête scolaire organisée par La Vigilante, club de gymnastique en 1938, devant la mairie.

Distribution des prix, 1938, devant le 5 rue Baudin (actuel) à Noisy. A gauche, Jacqueline Boitel avec son amie Jacqueline Granger.

Au 2e rang à droite, Madeleine Boitel ma grand-mère et à gauche, la mère et la grand-mère de Jacqueline Granger.

Les années de guerre (1939-1945)

L’exode de juin à juillet 1940

C’est aux alentours du 10 juin 1940 que ma mère et ma grand-mère sont parties en exode. Un collègue de mon grand-père leur avait permis de quitter rapidement Noisy grâce à sa connaissance des mouvements de trains en partance vers le sud de la France. « Munies seulement de quelques vêtements, ma mère et moi sommes parties depuis le dépôt ferroviaire de Noisy le Sec jusqu’à celui de Brive la Gaillarde, bien loin de là, en zone libre. Malheureusement pour nous, mon père alors chef de train à Paris Est a été réquisitionné par les Chemins de fer et ne put jamais nous rejoindre. Le voyage fut semé d’embûches, le train devant nous ayant été volontairement détruit, ce qui occasionna des victimes civiles. L’arrivée à Brive se poursuivit dans un autorail à l’arrêt, transformé en hôtel de fortune, où il a fallu vivre durant près de trois semaines. Ce ne fut pas un moment très facile, bien au contraire. La promiscuité était difficile, le confort inexistant. Je dormais sur une banquette et étais nourrie tant bien que mal à la cantine des Chemins de fer de Brive. Seul le souvenir d’avoir pu goûter de délicieuses pêches reste un moment gravé en moi comme un moment privilégié et de plaisir nouveau ».

La famille Boitel vivra donc séparée, sans pouvoir obtenir de nouvelles des uns et des autres. Malgré l’envoi de télégrammes de recherche, mon grand-père n’a malheureusement pas pu rejoindre sa femme et sa fille, ne sachant où elles se trouvaient. Tardivement, il a été évacué vers Darsac en Haute-Loire avec d’autres collègues cheminots.

Le retour à Noisy-le-Sec (juillet 1940-avril 1944)

Avoir faim et froid

Ma mère et ma grand-mère sont rentrées à Noisy le Sec début juillet 1940. De sa place dans le train qui les ramenait vers la capitale, ma mère a aperçu le premier soldat allemand casqué sur le pont du Cher à Vierzon. Elle a été à la fois très impressionnée et apeurée. Les retrouvailles avec mon grand-père restent un moment inoubliable tant l’émotion était intense.

« De retour au 17 rue Gallieni à Noisy, il a bien fallu apprendre à vivre avec les nouveaux occupants et se contenter de la nourriture et des vêtements alloués avec des tickets de rationnement. Le charbon était également rare mais il fallait s’en contenter. Malgré le couvre-feu, mon père sortait le soir en toute discrétion, afin de retrouver un cheminot complice. Depuis le dépôt ferroviaire où se trouvait stocké le charbon destiné aux locomotives, celui-ci lui lançait quelques kilos du précieux combustible à travers la palissade. Quelle chance de ne pas avoir été découvert ou dénoncé ! »

La famille Boitel a pu compléter ses ressources alimentaires en se rendant de temps en temps en Eure et Loir. Il fallait prendre le train puis aller à pied jusqu’à une ferme pour rapporter la précieuse viande de porc, des haricots en grain et même du beurre. En plus de ces précieux ravitaillements, ces fermiers étaient accueillants et très gentils avec la famille. Des relations fraternelles ont subsisté après la guerre avant de tomber dans l’oubli.

Le retour à l’école Charcot-Baudin de 1940 à 1942

Après l’exode, ma mère a repris le chemin de l’école primaire où ses résultats scolaires étaient très satisfaisants.

Certificat de satisfaction délivré par la Ville de Noisy-le-Sec à Jacqueline Boitel, 1942.

La communion solennelle

Le 7 juin 1941, Jacqueline fit sa première communion à l’église Saint-Jean-Baptiste de Noisy le Sec. L’abbé Gitenet faisait alors le catéchisme. Pour cette occasion, ma grand-mère se mit en quatre pour inviter quelques membres de la famille habitant la région.

Au premier rang, de gauche à droite : les enfants : Jacqueline Granger, Robert Jobard (amis de Noisy), Eliane Gérardin (cousine germaine), Jacqueline Boitel.

Les adultes : Edmée Boitel, Louis Corvisier et sa femme Marie Henrion, Pierre Boitel, Marie-Thérèse et Pol Gérardin, Madeleine Boitel.

Photo prise rue Emmanuel Arago, approximativement derrière le 17 avenue Galliéni.

En 1942, alors en dernière année d’école primaire, Jacqueline a passé avec succès les épreuves pour obtenir le diplôme d’étude primaire préparatoire (DEPP), ce qui lui permis de poursuivre ses études. Elle quitta donc l’école Baudin pour intégrer le cours complémentaire Gambetta à Noisy-le-Sec.

Le cours complémentaire Gambetta puis Carnot (1942-1946)

Le cours complémentaire Gambetta se situait boulevard Gambetta, dans les parages de l’église Saint-Jean-Baptiste. Pour y aller, Jacqueline devait remonter vers la gare puis emprunter le boulevard de la République et enfin la boulevard  Michelet.

« Par rapport à l’école primaire, une autre façon de travailler s’est vite imposée. Sous leurs aspects austères, les professeurs de mathématiques, de physique et de chimie étaient particulièrement exigeants. Le port de la blouse était obligatoire et il fallait se plier strictement à la discipline, ce que les élèves ont bien vite compris. Ainsi, tout au long de ces années, Mesdemoiselles Madeleine Marchetti et Raynaud s’avéraient être de très bons professeurs, respectivement de mathématiques et de français- histoire-géographie. Mademoiselle Raynaud ayant une formation d’institutrice et habitant Rosny-sous-Bois m’a également donné des cours particuliers de mathématiques lorsque j’habitais Rosny, après le bombardement de Noisy d’avril 1944. Ce fut très bénéfique ».

Mademoiselle Cattoire, professeur de littérature, avait également marqué ses élèves, par sa rigueur et son professionnalisme. La directrice de l’établissement était Mademoiselle Marcelle Thommeret ; elle sera tuée plus tard lors du bombardement du 18 avril 1944.

Photo de classe, école Gambetta en 1944.

  • Au 1er rang, de gauche à droite : Jeanine Jocquin, Noëlle N., Jeanine Goude, Sylviane Paris, ?, ?.
  • Au 2e rang : Renée Louis, Colette Tantin, Denise Rochet, Jacqueline Boitel, Claude Nicolas, Yvette ? , ? , Monique Boulanger. Deux professeurs à droite : Mademoiselle Raynaud, professeur d’histoire-géographie et Mademoiselle Burton, professeur de littérature.
  • Au 3e rang : ?, ?, ?, ? Delamarre, Renée Beck, Eliane Dubois, Jeanine Vivot, Denise Gantois.

Les élèves formaient un petit groupe d’amies très soudées durant ces quatre années particulièrement difficiles.

Les distractions

Le basket

Malgré l’occupation allemande, la vie courante continuait tant bien que mal. « Tous les jeudis après-midi, j’allais jouer au basket dans le terrain de la SNCF situé juste derrière l’avenue Gallieni. Ces matchs endiablés avec les camarades du quartier, tous enfants de cheminots, m’ont laissé un très bon souvenir. Ils me procuraient une vraie parenthèse d’insouciance ».

L’équipe de basket, en juin 1943, à Provins (77). Jacqueline est la 3e à gauche, debout.

Le piano

Encouragée par ses parents, ma mère put prendre des cours de piano avec Madame Lenoir[1], également professeur de chant à l’école Gambetta. « Je me rendais chez elle pour prendre mes cours, 19 boulevard de la République, au-dessus d’une boulangerie. Je connaissais aussi son mari, organiste à ses heures à l’église Saint-Jean-Baptiste de Noisy ».

Malheureusement, après le bombardement d’avril 1944, ma mère ne revit jamais ce couple. Grâce à eux, elle gardera toute sa vie le goût de la musique et du piano. Son instrument ne la quittera pas jusqu’à son mariage. Après le bombardement, elle prendra à nouveau des cours de piano à Rosny-sous-Bois, puis, de retour à Noisy, elle poursuivra cet apprentissage avec Monsieur Borrel, également organiste à l’église Saint-Jean-Baptiste.

Les classes promenades

Tous les après-midi, l’école Gambetta organisait des classes promenades avec l’ensemble des élèves. Ce fut l’occasion de découvrir les alentours du fort de Romainville, le quartier de Merlan, avec de nombreux jardins et sentiers. « En cette période si troublée, ces promenades étaient une occasion inespérée de trouver un peu d’insouciance et d’oublier les nombreuses alertes qui retentissaient à n’importe quel moment de ces journées de plus en plus fréquemment ».

Les alertes

Depuis le début de la guerre, maman allait à l’école « presque » normalement. Les enfants devaient s’équiper obligatoirement d’un masque à gaz. Ceux-ci ont été remis à chaque élève lors de la scolarité au cours complémentaire. Petit à petit, les choses se compliquèrent. Des bombardements voisins entrainèrent des alertes de plus en plus fréquentes, obligeant les écoliers à se réfugier dans des caves[2]. « Je me souviens que notre professeur de mathématiques, Mademoiselle Marchetti poursuivait imperturbablement son cours de maths dans les caves, même durant les alertes ».

Le départ vers la rue de Chanzy (mars-19 avril 1944)

En mars 1944, mon grand-père avait bien conscience du danger que représentait la zone ferroviaire située à proximité du domicile. Il craignait alors le bombardement de cette zone au même titre que ceux de Trappes ou de Vaires-sur-Marne intervenus à cette période. Il a pris l’initiative de chercher une chambre à louer un peu plus à l’écart de la zone ferroviaire, plus près de l’école Gambetta. Ainsi, la famille Boitel allait dormir chaque soir au 10 rue de Chanzy chez Madame Francesca Bathiany[3], alors veuve. Celle-ci leur loua une chambre meublée dans son petit pavillon doté d’une cave. Lors des alertes de plus en plus fréquentes, la famille Boitel s’entrainait à s’y réfugier. La vie familiale et les cours à l’école Gambetta continuèrent tant bien que mal jusqu’au 18 avril 1944.

Le bombardement du 18 avril 1944

Le 18 avril 1944, un peu avant minuit… la famille Boitel dort paisiblement lorsque mon grand-père alerté par des bruits anormaux regarde par la fenêtre. Des lueurs rougeâtres de bombes dans le ciel lui font dire : « cette fois, c’est pour nous ». Il donna l’ordre de descendre immédiatement à la cave. Il eut juste le temps de boucher le mieux possible le soupirail de la cave avec quelques planches. Mais celles-ci ne tardèrent pas à voler au souffle des premières bombes.

« Les bombes commencèrent à tomber de plus en plus proches, le bruit devint assourdissant. Durant une vingtaine de minutes, des avions canadiens déversèrent plus de 3 000 bombes explosives et à retardement. Mon père a ouvert son épais pardessus de laine bleu marine afin de protéger nos têtes et nos épaules. Nous nous blottîmes dans un coin de la cave qui nous semblait le plus protecteur. Madame Bathiany ne tarda pas à s’approcher de nous et nous élargîmes le cercle, sous notre petit toit de fortune. A quatre, nous nous sentions sans doute plus forts et l’angoisse sembla moins visible. J’étais terrorisée et spontanément, j’ai dit ma prière. Le bruit des avions descendant en piquée puis le sifflement des bombes et les explosions s’accélérèrent. C’était l’enfer. Au bout d’une vingtaine de minutes qui me semblèrent interminables, lorsque le bruit diminua, le danger sembla s’éloigner. Tout le monde remonta à l’étage, nous étions tous noircis par la poussière. Pour nous réconforter, nous prîmes un petit café offert par la propriétaire. Elle le réchauffa comme elle put. Bien sûr, l’électricité faisait totalement défaut ».

Par miracle, le pavillon avait été plutôt épargné[4] et ses quatre habitants étaient encore traumatisés mais sains et saufs. Après une terrible nuit très écourtée, la famille Boitel a cherché à fuir Noisy à pied. Elle ne chercha même pas à revoir l’appartement de l’avenue Galliéni, détruit en partie. L’objectif était de fuir coûte que coûte, sans trop savoir où. Ils prirent le chemin de Rosny-sous-Bois, pour tenter de rejoindre la famille Gérardin (le frère de ma grand-mère). Ils n’étaient pas les seuls sur les routes. La plupart des Noiséens semblaient fuir comme ils pouvaient.

De son côté, alertée par les bruits inhabituels de la veille, la famille Gérardin venait à la rencontre de sa famille en direction de Noisy. Par miracle, les deux familles se sont retrouvées entre Rosny et Noisy le long de l’avenue de Rosny. La famille Boitel a été chaleureusement hébergée durant une quinzaine de jours à Rosny, le temps d’effectuer des démarches pour trouver un nouveau logement. Les matelas posés çà et là dans le petit appartement et l’hospitalité des cousins ont été d’un très grand réconfort.

La famille Boitel apprit peu plus tard qu’une bombe à retardement était tombée dans le jardin voisin du pavillon où ils s’étaient réfugiés. Elle avait eu raison de suivre son instinct et de fuir dès que possible cet enfer. Elle ne sut jamais ce qu’était devenue la propriétaire du pavillon.

Dès le surlendemain du bombardement, malgré le risque de subir les bombes à retardement qui explosaient çà et là, mes grands-parents retournèrent 17 avenue Gallieni pour constater l’ampleur des dégâts. La maison tenait encore debout mais l’intérieur était très malmené. Ils firent de multiples aller-retours Rosny-Noisy afin de vider l’appartement et de protéger au mieux leurs affaires. Ils constatèrent avec effroi que « sous l’effet du souffle engendré, la porte de l’armoire en noyer massif de la chambre avait été arrachée et plaquée sur leur lit, la vaisselle fracassée ». Les bombes à retardement continuaient toujours d’exploser pendant des heures, des jours et des semaines après le 18 avril. Toutes les écoles de Noisy furent bien évidemment fermées.

Les lourds dégâts humains et matériels

Si l’immeuble du 17 avenue Galliéni fut relativement épargné[5], le même constat fut observé pour le pavillon qui les avait accueillis 10 rue Chanzy. La famille Boitel découvrit petit à petit les considérables dégâts humains et matériels auxquels ils avaient miraculeusement échappé.

  • L’école Gambetta fréquentée par Maman fut particulièrement détruite. Quatre corps furent dégagés des ruines de l’école, ceux de la directrice Mademoiselle Thommeret[6] et de sa mère[7] et ceux de la gardienne et de son mari.
  • L’ancienne école Charcot-Baudin fut également détruite en grande partie.

Des proches de ma mère faisaient partie des victimes civiles ou avaient disparu :

  • Eliane Dubois, sa camarade de classe, tuée avec ses parents, Marcel Georges Dubois et Marcelle Noël (épouse Dubois)[8] (20 bis avenue Gambetta)
  • Maria Huvier née Terriou, son ancien professeur de gymnastique à l’école de filles Charcot Baudin, et son mari également professeur de gymnastique à l’école de garçons, Xavier Huvier[9].
  • quelques commerçants du quartier : le boucher Lucien Loth, sa femme Marie Loth née Chauvel et leur fille Paulette Lucienne Loth (19 Boulevard de la République), Octave Rossetti et sa femme Marie née Labrouche[10], épiciers (74 avenue Galliéni).
  • Henri Chalmandrier était maraicher et cultivait à proximité du jardin loué par mon grand-père, en direction de Rosny-sous-Bois[11]. Il vendait ses produits au marché de Noisy-le-Sec.
  • Odette Prieur née Melet, la fille d’anciens voisins du 17 Avenue Gallieni, Georges Prieur son mari, Jacqueline Prieur leur fille (74 Avenue Galliéni)

Enfin, quelques années avant le bombardement, ma mère se souvient avec émotion de la disparition du couple Lilienfeld qui habitait 184 avenue de Paris. Elie Lilienfeld[12] exerçait la profession de maroquinier. Avec sa femme Jeanne Lilienfeld dite « la petite Jeannette », née Schney, il tenait un magasin de vêtements où s’habillait mon grand-père. Ce minuscule magasin donnait avenue de Paris et se trouvait à côté du grand bazar de l’Espérance situé à l’angle de l’avenue Galliéni et de l’avenue de Paris. Ils furent déportés le 24 juillet 1942 de Drancy jusqu’à Auschwitz[13] où ils périrent.

[1] D’après les archives municipales de Noisy-le-Sec (Fabien Berruer), il s’agit de Madeleine Eugénie Denoncin mariée à Jean-Marie Lenoir. Le couple est présent dans les divers recensement de population de Noisy-le-Sec depuis les années après-guerre jusqu’en 1968. Jean-Marie Lenoir est employé aux Chemins de fer à Noisy-le-Sec.

[2] La cave évoquée ci-dessus est d’une assez grande capacité pour accueillir une bonne vingtaine d’élèves. Elle se situait rue Jean Jaurès dans la portion comprise entre le boulevard Gambetta et la rue Carnot, sous l’emplacement d’un magasin (peut-être une papeterie, librairie ?).

[3] Il s’agit de Madame Francisca Boussageon, veuve de Louis Bathiany avec qui elle s’était mariée à Noisy-le-Sec en 1904. Née en 1881, elle avait donc 63 ans. Louis Bathiany était inscrit sur les listes électorales de Noisy en 1937 (source AD 93). Le Journal officiel du 29 juillet 1928 indique qu’il était vice-président de la société de secours mutuels « les sauveteurs de la Croix rouge de Noisy-le-Sec et Bondy ».

[4] Ce pavillon existe toujours en 2022. Il est aisément reconnaissable, notamment le soupirail qui menait à la cave, là où la famille Boitel s’était mise à l’abri durant le bombardement.

[5] Le bâtiment existe toujours en 2022. On reconnait aisément son architecture.

[6] Marcelle Suzanne Germaine Thommeret

[7] Georgine Aline Julie Cardin, veuve de Gustave Henry Thommeret

[8] D’après le recensement de population de 1936, ils habitaient 20 bis Avenue Gambetta. AD 93.

[9] D’après le recensement de population de 1936. AD 93. Xavier Huvier était président de la société de gymnastique « La Vigilante »

[10] Source Mémoire des Hommes, base de données des victimes civiles

[11] Zone des jardins ouvriers, à proximité actuelle du centre commercial Rosny II.

[12] Elie Lilienfeld, née à Saint-Pétersbourg en 1902 et sa femme Jeanne, née Schney en 1902 en Russie sont morts en déportation. Aucun enfant du couple n’a été identifié. Source Mémoire des Hommes, base de données des morts en déportation

[13] Source mémorial de la Shoah

Témoignages des destructions du « petit Noisy [1]»

[1] (photographies émanant de Monsieur et Madame Benard, pharmaciens, 29 avenue Galliéni à Noisy-le-Sec)

L’Avenue Gallieni en allant vers Bobigny, à gauche on devine l’emplacement des numéros 9-11 (détruits) puis les immeubles non détruits des 15, 17,

jusqu’au numéro 23 (immeuble transversal de quatre étages). Peu après le 18 avril 1944.

L’Avenue Gallieni, face aux numéros pairs (à gauche), en allant vers la gare de Noisy, peu après le 18 avril 1944.

La maison à droite de la photo correspond approximativement au 17 avenue Gallieni.

A gauche, face à l’arrêt de bus, l’immeuble du 17 avenue Gallieni habité notamment par la famille Boitel (1er étage). L’immeuble de quatre étages non détruit sur le même trottoir, se situe juste avant la rue Papin (numéro 23).

En traversant la rue Papin, au niveau du numéro 25, au rez-de-chaussée se trouvait la boucherie tenue par M. et Mme Tourteau.

Avenue Gallieni à Noisy-le-Sec, en allant vers la gare. Sur le trottoir de gauche, peu après l’immeuble effondré se situe le début de la rue Baudin (boulangerie à l’angle, tenue par la famille Cherprenet, 72 avenue Galliéni).

On devine aussi sur ce même trottoir, entre la boulangerie et l’immeuble effondré, l’épicerie tenue par la famille Rossetti (74 avenue Gallieni)

Le groupe scolaire Charcot-Baudin, peu après le 18 avril 1944.

Les deux rotondes de Noisy-le-Sec peu après le 18 avril 1944.

La gare de Noisy-le-Sec, peu après le 18 avril 1944.

Le retour à la normale, la fin de la guerre

Des baraquements de bois sont dressés un peu partout dans la ville pour loger les habitants, abriter des commerces et des salles de classes. Pour ma mère, les cours reprirent en octobre 1944 dans l’école des garçons Carnot, plutôt préservée, contrairement à l’école de filles Gambetta.

La famille Boitel a été relogée à Rosny-sous-Bois jusqu’en octobre 1945. De là, ma mère devait prendre le train chaque jour pour se rendre à l’école Carnot. C’est à Rosny, en août 1944 que ma mère a vu les premiers Américains libérateurs. Ils apportaient du pain blanc, des chewing-gums et tellement d’espoir ! Ils étaient chaleureusement accueillis par la foule en délire.

Les hostilités allemandes se poursuivaient malgré tout. Ma mère se souvient du bruit occasionné par l’explosion d’un « V1 » à Pantin, sans doute en octobre 1944.

Pour Noël 1944, les Américains ont installé un immense sapin dans le préau de l’école Carnot.  « Ils ont distribué du chocolat chaud ainsi que des friandises variées. Après des années de privation, ces gestes qui semblent aujourd’hui tellement anodins, sont restés profondément gravés dans ma mémoire. Avec beaucoup de ferveur, de fierté et de reconnaissance, les collégiens ont alors entonné l’hymne américain « la bannière étoilée ».

 

Jacqueline Boitel sans doute en 1944, photo scolaire.

 

 

 

 

 

 

 

Le retour à la normale et le début de la vie active.

En octobre 1945, la famille Boitel emménagea plus durablement au 16 rue Baudin, cet immeuble ayant peu été touché par les bombardements. Fin juin 1946, Jacqueline obtient le certificat de fin d’études complémentaires ainsi que le brevet élémentaire (brevet de capacité pour l’enseignement primaire). Ce dernier permettait d’être institutrice mais ma mère préféra apprendre le métier de secrétaire sténo-dactylo.

Avec son groupe d’amies particulièrement soudées depuis ces années traumatisantes (Jeanine Vivot, Renée Louis, Denise Gantois, Colette Tantin, Sylviane Parisse), Jacqueline participe à de nombreuses occasions de se distraire. Elle se souvient aussi des parties de plaisir lorsqu’elle allait à la fête foraine installée devant la mairie avec son ami Raymond Dolmaire. C’était alors l’occasion de conduire des auto-tamponneuses et de se livrer à toutes sortes de folies de trajectoires.

Voyage à Dieppe

 

 

 

 

 

Ci-contre: « Pour fêter cette étape scolaire, en juillet 1946, la mairie de Noisy-le-Sec avait organisé un voyage à Dieppe qui fut très apprécié ». Jacqueline Boitel est la 2e à gauche au premier rang, Jeanine Vivot est la 3e.

 

 

 

 

 

Les petits goûters

Le petit groupe d’amies poursuit les festivités en organisant des goûters chez les unes et les autres.

 

Retrouvailles amicales autour de Jeanine Vivot ( à droite au 1er rang),

amie de l’école Gambetta à Noisy qui résidait alors à Paris (métro Jean Jaurès) puisque son habitation avait été détruite. Jacqueline Boitel est au centre de la photo au premier rang.

L’entrée dans la vie active

Jacqueline effectue ses études à Paris pour y apprendre le métier de secrétaire sténo-dactylo. Elle commencera sa vie professionnelle à la fin de l’année 1947 comme sténo-dactylo au siège des Forges et Aciéries de Firminy à Paris.

Durant le week end, les distractions se déroulaient souvent aux bals qui se tenaient, notamment sous le marché couvert de Noisy ou encore dans la salle des fêtes de la mairie. Jacqueline y allait toujours accompagnée, soit par sa mère ou plus occasionnellement par son ami Raymond Dolmaire devenu au fil du temps le « chaperon » autorisé par la famille. Le cinéma était également très apprécié, soit à Paris, soit à Noisy-le Sec aux cinémas l’Eden et le Casino tous deux situés rue Jean Jaurès.

En juin 1951, invitée au mariage de son ami d’enfance, Raymond Dolmaire[1], lui aussi toujours noiséen, elle fit connaissance de son futur mari Francis Girault, également collègue du futur marié. Dans le car réservé pour le mariage qui transportait à peu près tous les invités vers le lieu de la réception, la tante de Raymond (Madame Brassard, voisine de mes grands-parents maternels au 16 rue Baudin) avait proposé à mon père de se placer à côté d’une charmante jeune fille habitant Noisy le Sec, amie de Raymond. Cupidon a fait le reste…

Jacqueline Boitel et Francis Girault se marieront en octobre 1952 à la mairie et à l’église Saint-Jean-Baptiste de Noisy-le Sec.[2] A cette occasion, Monsieur Borrel, professeur de piano de Jacqueline, jouera de l’orgue.

[1] Raymond Dolmaire épousera Gisèle N. en juin 1951à Noisy-le-Sec

[2] Afin de pouvoir se marier à l’église, mon père, non baptisé, dut suivre quelques cours de catéchisme et recevoir le baptême peu son mariage.

Mes grands-parents habitèrent à Noisy-Le-Sec, 16 rue Baudin jusqu’à la fin de leur vie. Mon grand-père disparut fin 1974 et ma grand-mère quitta Noisy-le-Sec en 2004 pour se rapprocher de sa fille. Elle mourra en 2006. J’ai le souvenir d’avoir passé de nombreuses et heureuses vacances scolaires avec mes grands-parents à Noisy-Le-Sec, entre 1960 et 1973. De même de chaleureux déjeuners dominicaux avaient lieu toutes les quinzaines rue Baudin.

Mes grands-parents reposent désormais tous deux au cimetière nouveau de Noisy-le-Sec.

 

Jacqueline Boitel, en 2021.

 

Propos recueillis par Martine Girault-Maillard, fille de Jacqueline Boitel-Girault, mars 2022

 

 

 

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